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Loi LOM et Prise de compétence Mobilité des EPCI : Bilans et perspectives

Le 31 mars 2021 est l’échéance fixée par la LOM aux communautés de communes pour décider de prendre ou non la compétence mobilité. Depuis maintenant 1 an, Iter s’est impliqué fortement auprès d’une 50aine de territoires pour les aider dans cette réflexion en leur apportant des éléments objectifs de choix au regard des ambitions qu’ils souhaitent porter. Cet accompagnement nous a permis de bénéficier d’une connaissance représentative de l’ensemble des enjeux et problématiques associés à la décision des exécutifs locaux. Nous posons donc un premier bilan sur le processus d’appropriation et de mise en œuvre de cette nouvelle compétence et proposons des pistes pour renforcer la dynamique engagée.

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Loi LOM et Prise de compétence Mobilité des EPCI : Bilans et perspectives

Une échéance jugée trop rapide par les exécutifs locaux

A l’origine fixée au 31 décembre 2021, le législateur a décidé, compte tenu de la crise sanitaire, de proroger cette échéance de 3 mois laissant aux EPCI un temps supplémentaire de réflexion et d’acculturation. Malgré ce report, une très grande majorité d’élus s’est sentie en difficulté pour prendre une décision aussi importante pour une ou plusieurs des raisons suivantes :

1/ La réflexion intervenait dans un contexte de renouvellement des exécutifs locaux en cours de prise en charge des autres compétences intercommunales ;

2/ Les élus, bien que conscients des enjeux de mobilité, n’avaient pas pour autant une vision claire des solutions adaptées pour leur territoire et par conséquent restaient sceptiques sur l’intérêt réel d’une prise de compétence à leur échelle ;

3/ La prise de compétence, irréversible, est un acte engageant pour les territoires, nécessitant de reposer sur un socle de réflexion stratégique solide qui n’avait pas toujours été anticipé dans un projet de territoire et encore moins de mobilité.

D’autres aspects sont venus complexifier cette réflexion. Dans un contexte de crise sanitaire où la priorité des élus locaux s’est naturellement orientée vers le soutien aux différents secteurs d’activités (santé, éducation, économie, ...), il a été d’autant plus difficile d’investir le sujet de la mobilité avec tout le recul nécessaire pour apprécier les opportunités et les risques d’une telle décision.

Il faut toutefois reconnaître que cette courte échéance a obligé certaines intercommunalités à s’emparer du sujet de la mobilité de manière très concrète et à repositionner cette thématique au cœur de la stratégie de développement territorial.

Une loi techniquement complexe, sujette à interprétation juridique

A la suite de la promulgation de la LOM, de nombreux travaux (rapport, notes juridiques ou encore webinaires) ont été produits pour apporter un éclairage sur les modalités de mise en œuvre de cette prise de compétence : transfert obligatoire ou non du transport scolaire, avenir des services existants sur le périmètre communautaire, utilité de cette compétence au regard de la simplification proposée par les lois NOTRe et MAPTAM, sources de financement propre et éventuels transfert de moyens ...

Nous sommes convaincus des vertus de l’esprit de la loi à savoir proposer aux collectivités, parfois dépourvues de solutions ou de services de mobilité, de saisir ce sujet et de développer des offres de mobilité à l’échelle de leur territoire. Néanmoins la technicité requise pour assurer une lecture exhaustive de l’ensemble des contreparties de la loi n’était pas présente sur tous les territoires, et lorsque cette technicité pouvait être mobilisée (localement ou par un accompagnement externalisé), le jeu d‘acteur territorial/ régional est parfois venu “brouiller” considérablement l’objectif vertueux visé. Prenons l’exemple de la question du transport scolaire. Malgré une loi qui indique clairement la possibilité de laisser à la Région l’organisation des services scolaires présent sur un EPCI qui se serait doté de la compétence mobilité, certains positionnements régionaux, s’appuyant sur une autre lecture juridique ont instillé le doute en affirmant l’inverse. Pour les collectivités peu ou pas assistées, ce seul doute a suffi pour clore la réflexion sur la prise de compétence.

Un modèle économique de financement des offres de mobilités difficile à assumer

Une difficulté à l’assumer en raison de deux aspects :

  • Une seule ressource pérenne mobilisable  : Pour les territoires qui entrevoyaient l’intérêt d’une prise de compétence « mobilité », les moyens mobilisables pour la financer se sont immédiatement posés. Alors que les premières versions de la loi envisageaient la création de nouvelles sources de financements pour la mobilité, le texte final de la LOM a réaffirmé le versement mobilité comme seule ressource pérenne envisageable. Or, la mise en place de cette fiscalité, assise sur la masse salariale des entreprises et administrations de plus de 11 salariés, a constamment été jugée difficilement assumable politiquement, du moins à court terme compte tenu de la crise économique actuelle. En corollaire, engager un territoire dans l’exercice de cette compétence sans solliciter cette ressource dédiée complexifie naturellement le déploiement d’un projet mobilité.
  • Une ressource mobilisable sous conditions  : La mise en place de cette fiscalité pourtant dédiée au déploiement de l’ensemble des solutions de mobilités est désormais conditionnée à la mise en œuvre d’une offre de transports en commun régulier. Cette condition limite les possibilités de déploiement d’un bouquet de mobilité dans les secteurs où le transport collectif n’est pas automatiquement la solution la plus pertinente, ce qui nous semble contraire à l’esprit de la loi. Moins onéreux qu’un transport régulier, ces services n’en restent pas moins coûteux et justifieraient largement, par le service apporté, la mise en place d’un versement mobilité ou d’une autre forme de ressource pérenne affectée.

L’absence de la création d’une ressource dédiée à la compétence mobilité des Régions

Enfin, l’absence d’une ressource dédiée aux Régions pour mettre en œuvre une politique ambitieuse sur les territoires, nécessaire face aux enjeux de transition énergétique et d’amélioration des conditions de mobilité, a pu « crisper » certains exécutifs régionaux face au choix laissé aux EPCI. C’est selon nous, une des principales raisons du jeu d’acteurs qui s’est installé dans le cadre de cette réflexion. Après une période d’homogénéisation des composantes techniques, économiques et juridiques des réseaux départementaux transférés aux Régions en 2017, cette possibilité de prise de compétence par les EPCI a pu être perçue comme un retour en arrière face à la simplification des compétences prônée par la loi NOTRe. Doter les EPCI d’une ressource fiscale dédiée (même conditionnée à l’existence d’un transport régulier) alors que les Régions en sont dépourvues malgré la charge de l’organisation et du développement des transports lourds et onéreux a pu accentuer leur incompréhension. Si la LOM avait prévu une ressource dédiée aux Régions, le dialogue du couple Région / Intercommunalité aurait, selon nous, été plus apaisé et plus constructif dans le partage des rôles et des périmètres d’intervention.

Une dynamique engagée nécessaire à poursuivre

Malgré ces différents aspects qui ont complexifié la réflexion, de nombreux EPCI ont fait le choix de suivre l’esprit de la loi en se dotant de la compétence afin de déployer des offres de mobilité adaptées à leur problématique de déplacement. Ce choix, courageux et volontariste, dans un contexte très incertain nécessite désormais que l’Etat conforte son rôle pour impulser la dynamique de la LOM.

A la lumière de nos missions, nous soumettons six mesures pour prolonger et appuyer la dynamique engagée :

A l’échelon communautaire

  • Rouvrir la possibilité pour les communautés de communes de se doter de la compétence mobilité, sans date limite, pour compléter l’offre régionale en accord avec cet acteur.
  • Repenser le transfert des services existants qui doit s’effectuer obligatoirement « en bloc » : maintien des services scolaires à la Région et transfert éventuel des autres services de transport public après un accord mutuel.
  • Ne plus conditionner la mise en place du versement mobilité à l’instauration d’une ligne de service régulier  : ce versement servant à financer l’ensemble de la compétence, il semble incohérent de le conditionner à un service régulier.
  • Prévoir un dispositif d’accompagnement des collectivités ayant pris la compétence  : aide à l’ingénierie et à la structuration des équipes internes, financement de la montée en charge progressive des services avant que le versement mobilité ne puisse prendre le relais, suivi des bonnes pratiques engagées pour constituer un retour d’expérience....

A l’échelon régional

  • Doter les Régions d’une ressource financière dédiée aux financements des offres de mobilité. Quelques pistes peuvent être évoquées : la mise en place d’un versement additionnel sans avoir à créer un syndicat mixte “loi SRU” sur les seules communes multipolarisées ; la mise en place d’un versement interstitiel sur toutes les communes situées hors d’une autorité organisatrice de mobilité,
  • De manière plus globale, envisager la mise en place d’un groupe de travail pluridisciplinaire pour réinterroger le modèle de financement de la mobilité en recherchant de nouveaux mécanismes financiers plus innovants que le versement mobilité assis sur les seuls employeurs. A titre d’exemple, une taxation sur les plus-values immobilières dans les territoires bénéficiant d’une amélioration sensible de l’offre de mobilité ou encore la mise en place de péage urbain pourraient être orientées vers l’amélioration de l’intermodalité et le développement d’offres de mobilités locales.

Les mois à venir devraient être riches d’enseignements notamment dans la mise en place et le fonctionnement des nouvelles instances de gouvernance prévues par la loi notamment au travers des contrats opérationnels de la mobilité. Il sera aussi intéressant d’observer si l’ensemble du processus engagé par la LOM permette concrètement d’engager des solutions de mobilités attractives et performantes au service des usagers.

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